UN PEU D'HISTOIRE
Bure est une petite commune de la Meuse. Depuis plusieurs années, elle se trouve au cœur d'un projet, qui vise à enfouir à 500 mètres sous terre les déchets nucléaires les plus radioactifs ou à vie longue du parc français. Un projet qui fait l'objet d'une guérilla juridique et physique entre l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et les opposants.
Malgré plus de soixante ans d’exploitation de l’énergie nucléaire, il n’existe toujours pas de solution durable et sûre pour gérer les déchets nucléaires. Le projet Cigéo, qui consiste à enfouir en profondeur des déchets radioactifs hautement dangereux dans les sous-sols de Bure.
Que faire des déchets nucléaires les plus dangereux et qui le resteront pendant plusieurs dizaines de milliers d’années ? A cette question, EDF et l’industrie nucléaire n’ont toujours pas de réponse. Faute de pouvoir réduire la nocivité de ces déchets et face à leur accumulation, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), en charge de la gestion à long terme des déchets radioactifs produits en France, voudrait aujourd’hui les enfouir. Cacher ces déchets dangereux, sans réversibilité ni contrôle à long terme, n’est pas du tout une solution, alors que d’autres options sont envisageables.
Dès le début des années 1980, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), créée en 1979 au sein du Commissariat à l’énergie atomique, commence à étudier la possibilité d’un stockage souterrain.
Ses géologues prospectent différents milieux (argile, granite, formation saline, schiste), dans l’Ain, l’Aisne, les Deux-Sèvres et en Maine-et-Loire.
Mais, devant la fronde des populations, le premier ministre de l’époque, Michel Rocard, décrète en 1990 un moratoire.
L’année suivante, la « loi Bataille », du nom de son rapporteur, le député du Nord Christian Bataille, définit trois axes de recherche pour les déchets à haute activité et à vie longue : la séparation-transmutation (réduction de la nocivité et de la durée de vie), l’entreposage de longue durée en surface et le stockage géologique.
L’Andra chargée d’explorer cette dernière voie – qui n’est donc que l’une des options –, grâce à la création de « laboratoires souterrains », au pluriel, c’est-à-dire au moins deux.
Des investigations géologiques seront bien menées dans quatre départements, Gard, Haute-Marne, Meuse et Vienne. Mais un unique site sera retenu en 1998, celui de Bure, pour un unique laboratoire.
Le chantier du laboratoire se met en place en 2001, un ouvrier est blessé après une chute de 11 mètres dans le même puits.
En 2002, nouvelle accident, un ouvrier est écrasé par un tube d'aération dans le puits d'accès principal, à plus de 200 mètres de profondeur, provoquant l'arrêt du chantier pour cinq mois.
DU LABORATOIRE AU FUTUR SITE D'ENFUISSEMENT
En 2006 un débat public de décembre à Bure sera donc le troisième à porter sur la gestion des déchets nucléaires. Ceci tient au fait que Cigéo n’est pas un projet comme les autres : l’énergie nucléaire soulève des questions techniques et environnementales qui dépassent celles des plans d’aménagement. Et la longue durée de vie de ces déchets implique de prendre des décisions qui auront des conséquences sur plusieurs générations.
la procédure de débat public dès 2006, en devenant le premier à porter sur une question de politique générale. Cette procédure s’est poursuivie par l’adoption d’une loi faisant le choix du stockage réversible profond pour la gestion des déchets nucléaires.
Cette nouvelle loi retient comme solution de référence le stockage en couche géologique profonde.
Elle fixe un calendrier pour la mise en exploitation en 2025, sous réserve d’autorisation, d’un centre de stockage réversible en couche géologique profonde. Elle conditionne la demande d’autorisation de création d’un tel centre de stockage que la couche géologique doit avoir fait l’objet d’études au moyen d’un laboratoire souterrain.
Le toujours la même année, paraît le décret prorogeant l’autorisation accordée à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs d’installer et d’exploiter un laboratoire souterrain sur le territoire de la commune de Bure. Bien que l’Andra s’en défende alors, il devient rapidement clair que Bure sera aussi le site d’enfouissement national.
Avec cette loi, le parlement a donc demandé à l’Andra en 2006 que le stockage soit réversible pendant au moins 100 ans.
La fin des travaux souterrains à la charge du Groupement Fond Est marque la prise en charge de l’ensemble des installations par l’Andra. L’exploitation du laboratoire est, à partir de 2007, de la responsabilité de l’Andra.
En juin 2008, l'Andra organise ses études et recherches au sein d’un plan de développement du projet HAVL. Parmi les différents programmes et activités du projet, le programme d’expérimentations et essais de démonstration au Laboratoire structure et planifie les tâches à mener sur le site de Bure.
Une coactivité permanente existe entre les travaux d'extension et les travaux scientifiques permanents.
En 2014, plus de 800 mètres sont ajoutés à la boucle souterraine existante. Le laboratoire est donc également un vaste chantier de travaux souterrains, faisant avancer les techniques, les méthodes et les possibilités de creusement-soutènement.
D'après l'Andra le site est parfait au niveau géologique pour éviter un incident pour le futur stockage.
Malgré le fait que l'Andra se veuille plus que rassurant, le mardi 26 janvier, un éboulement survient dans une galerie en cours de forage et tue une personne.
ET DU COTÉ DES OPPOSANTS ?
En 1995 est créée l’Association des élus meusiens et haut-marnais opposés à l’implantation du "laboratoire" son objet est notamment de « rassembler les élus meusiens et haut marnais aux fins de permettre une expression collective de l’opposition au projet de laboratoire et empêcher par tous les moyens légaux, juridiques et démocratiques tout enfouissement de déchets nucléaires en quelque lieu que ce soit.
En 1999 les organisations locales et nationales continuent à s’opposer au laboratoire de recherche et au projet de stockage géologique, qualifié d’enfouissement. Ces oppositions rejoignent parfois le cadre plus général de l’opposition à l’énergie nucléaire. La Coordination nationale des collectifs contre l’enfouissement des déchets radioactifs (CNCEDR) coordonne l’ensemble des collectifs opposés au stockage géologique et organise régulièrement des actions (manifestations, festivals…) contre le laboratoire.
Dans les années 2000 par un groupe de militant.es, c’est un espace d’environ 8 ha entre les villages de Luméville-en-Ornois et Mandres-en-Barrois. Elle a accueilli beaucoup d’événements comme les dix jours de VMC camp anti-autoritaire et anti-capitaliste.
Gare de Lumeville
Cest en 2004 que les choses se développent encore sur place, des anti-nucléaires de France et d’Allemagne créent l’association Bure Zone Libre (BZL). Ils achètent l’année suivante, sous la forme d’une société civile immobilière (SCI) avec le réseau Sortir Du Nucléaire, un vieux corps de ferme meusien à rénover au cœur du petit village de Bure. Cette ferme en ruine deviendra la « Maison de résistance à la poubelle nucléaire ».
Cette maison est gérée par le collectif Bure Zone Libre détient 60% des parts et le réseau « Sortir du Nucléaire » 40%. Bure Zone Libre assure son soutien à de nombreuses luttes nationales et internationales.
Maison de la résistance en 2016
Au printemps 2006, les opposants à la poubelle nucléaire lancent une campagne nationale intitulée "Loi 2006 sur les déchets nucléaires, N'empoisonnez pas la terre !", menée par la Coordination nationale des collectifs contre l'enfouissement des déchets radioactifs et le Réseau Sortir du nucléaire, en partenariat avec Agir pour l'environnement, les Amis de la Terre, la Confédération paysanne et Greenpeace France. En juillet 2006 a lieu la seconde édition du festival Décibels contre la poubelle qui rassemble plus de 1 000 personnes.
En 2013, les citoyens sont à nouveau invités à débattre une nouvelle fois. Les discussions portent alors sur les modalités de réalisation du projet Cigéo, porté par son « maître d’ouvrage », l’Andra . Cette deuxième édition est restée dans les mémoires : la contestation sociale qu’elle a provoquée fut sans précédent, contraignant les réunions publiques à migrer sur le web.
Débat public en mai 2012
LA LUTTE DEVIENT PLUS RADICALE D'UN COTE COMME DE L'AUTRE
De l'autre coté de l'hexagone, une lutte de plusieurs décennies est également en cours. Des militants anticapitalistes sont installés sur le site du future aéroport de Notre-Dame-Des -Landes depuis août 2009, après la tenue d’un « Camp action climat ». Les zadistes s’insurgent contre l’impact environnemental du projet après des batailles juridiques perdues.
Plus au sud le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du TESTET montre les muscles pour s'opposé au futur barrage de SIVENS. En 2013, les mêmes méthodes que pour l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes sont employés pour occuper le site.
C'est tout naturellement que la lutte va prendre un autre visage sur le site de Bure face l'Andra qui se veut de plus en plus agressif dans ces actions.
Bure devient une ZAD au sens propre est figuré comme ici à NDDL
En juin 2015, les opposants au projet se rendent compte que l'Andra commence à fabriquer une plateforme et à clôturer le bois Lejuc de Mandres-en-Barrois, à 3 kilomètres de Bure, sans que ceux-ci en aient l'autorisation, ; les opposent décident de passer à l'offensive et occupent le bois.
Le 19 juin, les installations sont démontées. Malgré cela ils sont plusieurs dizaines à occuper le terrain, des actes de sabotage ont lieu à cette période contre les infrastructures de l'Andra.
La vie collective s'organise, avec un grand préau, des tentes, des barnums. On instaure des débats, des chantiers participatifs et même des projection de films.
Fin juillet 2015 un engin de débardage effectuant les travaux de la ligne de chemin de fer censée acheminer les déchets nucléaires sur le site du laboratoire est incendié.
Le harcèlement de la population par les gendarmes devient plus que nuisible appuié par la préfecture de la Meuse qui ne cesse de faire des arrêtés préfectoraux liberticides pour les habitantes des villages autours du site de l'Andra.
Des dizaines de personnes sont placées sur écoute, plus d’un millier de discussions sont retranscrites, plus de 85 000 conversations et messages sont interceptés, beaucoup d'opposants locaux se découragent, et pendant se temps l'Andra "achète" le silence de certains élus locaux à coup de subvention.
De juin 2016 au 7 juillet 2016 et du 15 août 2016 au 22 février 2018, le bois Lejuc est habité par des personnes empêchant ainsi des « travaux préparatoires » à Cigéo tels que le déffrichement de ce bois qui est censé être à l’aplomb des puits d’aération des galeries sous-terraines et les forages pour tester le sous-sol.
À l’été 2016, l’ANDRA est sur le point d’entreprendre des travaux de déffrichage du Bois Lejuc et ce sans permis préalable et souhaite construire un mur sans autorisation de 3 Kms pour enfermer la foret. Le 15 août 2016, lors d’une action collective près de Bure, des centaines de personnes ont abattu le mur. La construction de ce mur avait été déclarée illégale 15 jours auparavant par le TGI de Bar-le-Duc.
Destruction du mur du bois Lejuc
En Aout 2017, une manifestation regroupant 600 personnes se fait attaqué par les gendarmes mobiles, 6 blessées graves dont un pied arraché sont à déploré du coté des manifestants et plusieurs dizaines de blessés légers.
Très vite les autorités interpelles sept personnes dont un avocat, âgés de 28 à 48 ans, pour avoir organiser cette manifestation, les ont été placés sous contrôle judiciaire strict leur interdisant de se voir. Presque tous encourent dix ans de réclusion.
Les procédure sont encore en cours et ils passeront devant la cours d'appelle de Nancy fin 2022.
Toujours en Aout 2017 le festival des BURE’LESQUES où sont programmés débats, conférences, théâtre et concert est organisé pour la premières fois, celui-ci connait un vive succès.
Durant cette période l'occupation du bois est en place, un système de vie se met en place et de nombreuse personnes habitent le bois jusqu'en février 2018.
Le 18 février 2018, les opposants vont gagner une bataille plus que symbolique. Une manifestation de 600 personnes quitte Bure dans une ambiance joyeuse, en direction du Bois Lejuc occupé, menacé d'expulsion et de destruction. Après un repas servi dans la forêt, le cortège est reparti dans l'après-midi en direction du Laboratoire de l'ANDRA.
Sur place plusieurs centaines de personnes ont entouré l'un des bâtiments, et ont fait tomber les grilles sous une pluie de grenades lacrymogènes et de désencerclement et de LBD sont envoyés par les gendarmes mobiles.
Cette bataille est gagné malgré de nombreux blessés et des interpellations.
Cette victoire des opposants va mettre le feux aux poudres, le gouvernement Macron n'a pas accepté de prendre ce revers.
Le 22 Février à 6h15, plus de 500 gendarmes lancent une opération d'évacuation, alors qu'une quinzaine d'opposants étaient sur les lieux, certains perchés dans des cabanes à plus de 20 mètres de hauteur.
Après l'expulsion de la forêt les miliciens du gouvernement défoncent la porte de la maison de la résistance dans le village de Bure, 32 personnes sont emmenées en vérification d'identité, dont 7 en garde à vue pour des motifs bidons.
En Juin 2018 une manifestation regroupant envions 3 000 personnes se tient à Bar-Le-Duc dans la Meuse contre l'Andra et le projet Cigéo.
Un cortège "festif" et réussi margés le fait que les médias relayent la casse de quelques vitrines d'enseignes capitaliste.
Manifestation de Bar-Le-DUC
L'été 2019 voit le festival les Bure’lesques prendre une autre dimention, plus de 3 000 personnes transitent sur ce lieu de lutte et de culture.
En septembre, une opération policière a eu lieu à l’ancienne gare de Luméville, les gendarmes mobiles ont encerclé la gare pour interpeller 2 personnes suite à des évènements de contestations survenus le matin même.
De septembre à fin 2019, les gendarmes seront plus que présents sur la zone pour terrorisé la population allant interpellant les riverains qui ne sont pas munis de pièce d'identité.
En septembre 2019 le Vent de Bure souffle sur Nancy, cette manifestation regroupe plus de 4 500 opposants au projet Cigéo, la ville est placé en état d'urgence, mais rien ne se pace sauf une vitrine d'assurance qui a été brisé, la manifestation s'est faite dans le calme.
En janvier 2021 des militants achètent une nouvelle maison (L’Augustine) à Mandres en Barois pour avoir un lieu de lutte complémentaire avec la maison de la résistance.
Après 4 années d’instruction pour « association de malfaiteurs », des milliers d’heures d’écoutes par la gendarmerie, un dossier de 15.000 pages, des mètres cubes de matériel saisi, un harcèlement policier omniprésent dénoncé par la Ligue des Droits de l’Homme, l’heure de la mascarade judiciaire a sonné. Les 1er, 2 et 3 juin 2021 au Tribunal de Bar-le-Duc se tiendra le procès des sept « malfaiteurs » de la lutte à Bure.
Le 16 au 26 août à la gare de Lumeville à lieu les rayonnantes, l'évènement regroupe plus de 700 personnes.
Des actions sont menés durant l'évènement.
Le projet de centre d'enfouissement de déchets nucléaires à Bure et déclaré "d'utilité publique" en juillet 2022 par la première ministre Borne, les expropriations sont dorénavant un risque pour la gare de Lumeville.
En juillet les opposants s'organisent et passe une semaine à construire des barricades pour protéger la zone.
Barricades au bord de la gare de Lumeville en septembre 2022
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